Mickaël Zermati, membre du jury du Marathon photo MAP-Poussière d’image 2019

Mickaël Zermati, quel est votre parcours photographique ?
Après ma formation de tapissier d’ameublement à Paris en 2008, je suis parti vivre à New York. J’y ai acheté mon premier reflex numérique et commencé à photographier. La journée je travaillais comme menuisier, la nuit je sortais dans les bars et faisais des photos. A l’époque je ne cherchais pas à raconter quelque chose avec mes images, je voulais juste apprendre à regarder, à utiliser l’appareil et à devenir de plus en plus à l’aise avec la ville et ses habitants. Puis en 2012, je suis parti en Asie et j’y ai réalisé la série Lilong, une balade dans l’intimité de ce quartier de Shanghai la nuit.
En rentrant en France, je me suis installé à Toulouse, j’ai commencé les ateliers photo de l’Espace St Cyprien et c’est ici que tout a vraiment commencé. Je peux dire que ça a été mon école, une très bonne école à l’écoute des jeunes photographes, plus accès sur leur sensibilité que sur la technique pure, j’y ai fait des rencontres formidables.

En tant que professionnel, quel est votre domaine photographique de prédilection et pourquoi ?
Disons que j’ai commencé par m’intéresser à la street photography à New York puis à Shanghai, influencé par des photographes comme Robert Frank et surement car j’étais attiré par l’aspect cinématographique de la folie des grandes villes la nuit tombée. Ensuite, j’ai voulu raconter des histoires d’hommes et de femmes dans des périodes de vie qui me touchaient et me bouleversaient même à des moments, prendre le temps de comprendre qui ils étaient avec des projets de plus long ou moyen terme comme Zones, Partir ou rester ou La Roseraie. Depuis un an, je pratique un photographie plus personnelle, moins portée sur l’autre et plus sur des réflexions et sensations ressenties.

Vous êtes membres du Collectif Strabisme, pouvez-vous nous le présenter et nous expliquer sa finalité ?
Cette idée de collectif nous est venue en janvier 2018 lors d’une soirée un peu arrosée. La plupart d’entre nous ne se connaissait pas et le feeling est tout de suite passé. Entre Lilie qui venait de l’école d’Arles, Antonin d’une fac d’histoire et d’anthropologie, Margot des beaux-arts de Nantes, François de l’ETPA et moi de l’Ecole Boulle en tapisserie, nous nous sommes dits qu’en mélangeant nos différents univers et savoirs-faire cela pouvait vraiment être une richesse. L’idée de base était de créer des événements éphémères regroupant l’image, le son, la vidéo, le graphisme, avec une importance fondamentale de l’espace et de la scénographie. Nous avions tous les cinq la même envie de faire bouger les choses, de casser les codes conventionnels de l’exposition photographique et autre. Créer des expériences immersives en exposant des jeunes artistes, transformant des lieux en transition, pas adaptés à quelconque manifestation artistique. C’est toujours le cas aujourd’hui, même si nous répondons également à des commandes en tant que photographes comme ici avec MAP et non seulement en tant qu’organisateurs.

Quelle est votre approche photographique de manière générale ?
Je suis quelqu’un d’assez émotif et d’assez extrême dans mes émotions. J’ai souvent besoin de les extérioriser de manière violente. La photographie me permet de poser ça, j’aime raconter la beauté du monde, celle des sensations et celle qui se dégage des émotions des gens. Je photographie souvent le temps qui passe, les différents stades de la vie. Ce qui touche aux transformations. Il y a beaucoup de choses à dire, et j’ai du mal à en parler. Même écrire sur ce que je photographie est difficile. Ce n’est pas mon langage.
Parfois je me pose beaucoup de questions sur la sincérité de mon travail. Je ne me force pas mais c’est difficile de faire une photographie qui soit la plus juste et la plus sincère possible, sans coller à un style qui va plaire, mais les influences sont là que je le veuille ou non. Jusque dans mes séries précédentes, je photographiais la vie des autres, j’avais envie de raconter leur histoire à travers mon regard. C’était leur histoire qui m’intéressait. À partir du moment où il y avait une rencontre, qu’on avait un échange et que je posais un regard, je tentais de faire ressortir des choses de l’autre qui pouvaient le surprendre, ou qu’il ne voulait peut être pas voir. Ca m’arrive aussi parfois de transformer la réalité d’une image en la mélangeant à d’autres afin de raconter une histoire que je m’approprie comme avec la série Passage(s) ou le travail réalisé pendant la résidence Itsasoan. Depuis environ un an, je vis une période assez bouleversante et je m’intéresse moins à l’autre, je me concentre un peu plus sur ce que j’ai envie de raconter de moi. Un peu comme un psy, j’essaie de photographier mes peurs, mes doutes, la frustration, le désir, ce que j’attends de la vie, ce que je n’aime pas en moi.
Je pense que voir tout ça en image me fait avancer mais cette photographie égocentrée commence à m’ennuyer, à me faire douter sur le rôle qu’elle a pour moi et pour les personnes qui la regardent.
Le reportage me manque parfois.

Pour vous, qu’est ce qu’une « bonne » photo ?
Pour moi une « bonne » photo c’est une photo juste et sincère avec le propos mais aussi une photo qui me transperce d’une vraie émotion dès les premières secondes où je la regarde. Peu importe qu’elle me fasse peur, rire ou frissonner de beauté, le plus important c’est qu’elle me fasse ressentir quelque chose de fort.

Comment auriez-vous traité le thème « un des 7 péchés capitaux », un des deux thèmes du Marathon photo MAP-Poussière d’image 2019 ?
Difficile pour moi de répondre à cette question étant donné que ce n’est pas le thème que j’aurais choisi mais comme ça j’imagine une image assez crue et frontale dans l’obscurité d’un désir.

Site de Mickaël : www.mickaelzermatiphotographe.com
FB Collectif Strabisme : collectifstrabisme

Mickaël Zermati par NicoToulouse