Je ne suis pas un artiste. Artiste, ce n’est pas seulement créer quelque chose mais c’est un style de vie que je n’ai pas car je n’ai pas eu les c……s de sortir de mon confort matériel…
Nico
Samedi 02 avril à la Maison des Associations de Toulouse, devant une cinquantaine de personnes, NicoToulouse nous racontait sans langue de bois pendant plus de trois heures son parcours photographique depuis ses débuts jusqu’à aujourd’hui.
Laurent Vigliéno, Président de l’association Poussière d’image qui organisait l’évènement, s’est chargé de présenter et animer les échanges et les questions avec le public.
Nico dit de lui: “Je ne suis pas un artiste. Artiste, ce n’est pas seulement créer quelque chose mais c’est un style de vie que je n’ai pas car je n’ai pas eu les c……s de sortir de mon confort matériel en quittant mon travail pour me consacrer exclusivement à la photo. Il faut sauter le pas pour être artiste“
En 2006
une déception amoureuse pousse Nico désorienté à pousser la porte du premier magasin qu’il trouve ouvert. C’est un magasin de photo. Il en ressort avec son premier boîtier. Il y retourne le lendemain pour se faire expliquer comment mettre la batterie. Depuis on est en 2022 et il a fait un peu plus de 220 000 photos. Il a passé plusieurs nuits blanches pour choisir celles qu’il nous a présentées.
Juin 2006 à fin 2009, ses débuts.
Il ne maîtrise pas les réglages et, pendant bien une année, ne traite pas les photos qui sont parfois floues car il ne sait même pas faire la mise au point. Il photographie tout ce qui se présente (paysages, modèles, reportages, concerts, architecture, animalier….).
Il n’a pas de démarche photographique mais petit à petit finit par progresser. Il nous parle de ses rencontres les plus marquantes comme celles de Gilles Franqueville avec qui il crée Poussière d’image en 2007 ou de Kate Demise qui fut sa première muse en tant que modèle et grâce à qui il a commencé à avoir une réflexion photographique.
2010-2012 ; sortir de sa zone de confort.
Nico nous parle d’OSER., d’intention photographique, de démarche, de remise en question, de créativité ou d’imagination. Il enrichit sa CULTURE PHOTOGRAPHIQUE (livres, expos, photographes comme Saudek….). Il apprend à se défendre et à se justifier face aux critiques.
Il nous présente une série de photos montrant des PERFORMANCES (recherche des limites de soi dans les émotions ou la douleur). Pas de LIMITES si l’on ose : certaines de ses photos sont «TRASH ».
Même si la critique est négative, il faut que les photos questionnent et fassent travailler la réflexion. D’autres mots clés caractérisent cette période comme l’INTERDIT et l’ADREALINE qu’il procure. Ce sont aussi ses premiers pas dans le «NURBEX » avec le côté IMPROBABLE d’un corps « désexualisé » toujours en situation morbide.
2013-2015, démarche d’auteur ENGAGEE et PROVOCATRICE.
De plus en plus tournée sur l’HUMAIN et les EMOTIONS.
Participation aux premiers concours « pour montrer ce que l’on fait, essayer d’avoir la vision des autres et montrer que l’on peut faire autre chose ». Il m’a semblé entendre plusieurs modèles présentes dans la salle soupirer fortement lorsque sans se départir de sa mauvaise foi légendaire Nico a déclaré sans sourciller : « Je ne suis pas du tout autoritaire avec mes modèles ».
Nico nous présente le travail de cette période en mettant en avant le DECALE, l’IMPROBABLE, les REPORTAGES SOCIAUX et SOCIETAUX, L’HUMOUR NOIR… Il maîtrise les règles photographiques, cherche donc à en sortir et s’en octroie le droit (composition, cadrages, expressions…).
Il nous présente plusieurs séries (« Homard m’a crever », « Chimiothéravie » ou sur des sujets comme la prostitution ou les conséquences émotionnelles d’ un accident de la route, etc.). Il s’attaque à la RELIGION, défend la cause des femmes battues, traite de la politique, du suicide, des menstruations, de la drogue, de l’hystérie, des crises de nerfs… Il recherche le côté émotionnel, pénètre dans l’INTIMITE…
Bercé pendant son enfance dans la culture HARA KIRI, il se complaît dans la PROVOCATION, LE TRASH l’ABSURDE ou le DECALE. Un thème qui lui tient beaucoup à cœur est celui de LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT : « Un corps brut dans un environnement brut ».
L’environnement nuit à l’humain ou le contraire. C’est ainsi qu’il justifie par rapport à une question posée dans la salle la présence de corps nus dans ses photos. Les vêtements symbolisent pour lui la sociabilisation. Il veut que ses photos procurent un RESSENTI et fassent passer UN MESSAGE.
2016-2022, à fond dans le travail d’auteur.
Même si parfois il accepte de participer à des projets que lui proposent d’autres personnes comme pour la série « Animal » qui dénonce la maltraitance animale, depuis longtemps déjà Nico ne fait plus que ce qu’il a envie de faire.
Il traite aussi des thèmes comme le RACISME, les femmes tondues à la Libération, il parvient à faire du nu place du Capitole, il fait des séries sur les BLESSURES, les cicatrices ou les brûlures, il fait une série de 4 EXPRESSIONS avec plus de 80 volontaires… Et il réalise Mal-Cène une parodie de la Scène du Christ qui lui vaudra des menaces de mort de la part de cathos intégristes. C’est peut-être sa seule photo qu’il accepterait de qualifier « d’artistique » compte tenu de tout le travail qu’elle a nécessité.
Nico nous lit sa longue définition de ce qu’est selon lui le travail d’auteur. J’espère que comme le lui a suggéré Laurent Vigliéno, il la publiera prochainement pour la soumettre à notre réflexion.
En 2018, Nico a revendu ses reflex
et ne travaille plus qu’avec un Leica numérique Q1, puis Q2 actuellement. Il se met également à l’argentique et s’intéresse au Polaroid dont il apprécie le côté aléatoire du résultat compte tenu du manque de technicité et de qualité de l’appareil. A l’occasion de chaque shooting il fait également deux polas.
Il a abandonné le travail en studio en 2020. Il préfère rechercher l’intimité et l’authenticité en photographiant ses modèles chez eux dans leur univers comme dans sa série « Incontrôlable » (lâcher prise total, émotionnel et corporel) ». Il s’adapte et improvise des poses IMPROBABLES en fonction du décor. Il nous fait part de la difficulté pour lui de trouver des modèles hommes acceptant de faire du nu.
Nico nous parle également de ses projets en cours comme ceux des séries « clito » et « plastique » et beaucoup d’autres…..
Toujours inoxydable depuis ses débuts, Nico trace sa route sans se soucier du « qu’en-dira-t-on ». En bien ou en mal, ce qui lui importe c’est que ses photos fassent réagir et il est prêt à se justifier et à les défendre.
Bien que ne se considérant pas comme un artiste il consacre énormément de temps et une énergie folle à sa passion. Il se dit lui-même boulimique et « complètement drogué » par la photo (environ 150 shootings par an et il n’est même pas un retraité). Le fait qu’il soit daltonien et qu’il ne perçoive pas les couleurs comme nous fait peut-être partie de sa signature.
Les trois heures passées en face de lui sont trop vite passées. Comme il le regrettait lui-même après la conférence pendant que l’on buvait l’apéro à la Chunga, il y a plein de choses dont on n’a pas eu le temps de parler.
J’aurais aimé parler de la conceptualisation et du traitement particulier de mes photos.
J’aurais aimé que les modèles présentes racontent les photos sur lesquelles elles apparaissaient et qu’elles fassent davantage part de leurs ressentis.
J’aurais aimé avoir le temps de lui poser des questions embarrassantes sur les risques physiques ou psychologiques qu’il fait courir aux modèles.
Bien que connaissant déjà la réponse, j’aurais aimé lui demander publiquement s’il ose faire lui-même tout ce qu’il exige d’elles.
J’aurais aimé que l’on parle de la pudeur.
J’aurais bien aimé aussi que Nico dévoile davantage sa personnalité attachante à la fois ours et nounours. Que l’on parle de sa gourmandise ou de sa mauvaise foi, de son caractère parfois excessif, parfois enfantin, de sa prévenance, de son sens de l’amitié, de sa générosité, de sa bonté, de sa force de persuasion, de son charisme… J’aurais bien aimé aussi terminer sur une note humoristique en parlant du bêtisier des shootings, des imprévus, des couacs, des gags, des dérapages plus ou moins bien contrôlés …..
Comme quoi il y aurait largement matière à faire une deuxième séance.
Un grand MERCI à toi Nico.
Rédacteur: YanYak
Photos: Dan Busters